Source: Monsieur Qui / Artskills.net
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9h30, novembre 2010 porte de la Villette à Paris, Lek (RAW) et Sowat (DMV), deux graffiti-artists de génération différentes mais à la motivation commune arrive au rendez-vous. Quelques mots échangés à propos des grands froids de ces derniers jours et nous partons vers la promesse d’un lieu afin d’y réaliser une peinture ensemble. Nous escaladons un talus, arrivons au bord d’une voie ferrée où logent dans des tentes quelques âmes égarées, en redescendant nous profitons de l’élan de la pente pour traverser à la hate une bretelle d’accès du périph’. Sowat me rappelle au passage que l’entrée se mérite et il n’a pas menti ; arrivés dans un couloir à ciel ouvert, le sol est jonché d’ordures et d’excréments, l’odeur y est insupportable, il faut ensuite escalader une grille d’environ quatre-cinq mètres de hauteur, couronnée de piques, le tout sans se faire griller par les ouvriers de l’atelier ratp voisin.
Voilà passé l’épreuve, nous sommes tout trois aux abords du bâtiment. Mes deux accompagnateurs semblent bien le connaitre et m’évoque aussitôt l’immensité du site, nombreux sont les murs disponibles à peindre. Et pour cause il s’agit d’un ancien supermarché et de son parking abandonnés il y a déjà quelques temps, au total 40 000m2 de playground. Y pénétrer à l’intérieur, nécéssite d’emprunter un conduit d’aération, et c’est un peu comme un archéologue dans le noir, que je découvre véritablement le lieu. Une visite commentée s’improvise, différents étages s’offrent à nous et commençons par ceux du haut. Des carcasses de voitures s’éparpillent, tout comme quelques murs certaines sont peintes d’autres pas.
Dans une premier temps le lieu se « lit » à travers le spectre du graffiti, j’en suis très excité et motivé, il y a des murs vierges en pagailles, l’ensemble est terriblement photogénique pour une intervention artistique. Par la suite c’est l’activité ancienne du supermarché qui saute aux yeux. Beaucoup d’éléments signalétiques et de mobiliers en témoignent ; d’étage en étage la logistique de l’enseigne se profile; toujours plus hypnotisé par le lieu, je tente de le visualiser tel qu’il devait être à l’initial. J’entend du bruit provenant de l’environnement proche (atelier ratp, travaux à proximité, périph’) si bien que j’ai la sensation permanente que nous ne sommes pas seul dans les lieux. Au fil de notre marche, quelques vêtements et peluches éparpillés au sol laissent penser que des gens ont vécus ici. A présent un troisième niveau de lecture du lieu balaye « d’un coup d’un seul » les deux précédents : la présence plus qu’évidente de la misère humaine. Lampe-torches à la main, nous nous enfonçons dans les sous-sols, Lek et Sowat en profitent pour m’évoquer les différentes vagues de population qui ont investit les lieux : sdf, sans-papiers, prostituées ou encore Roms, autant d’informations qui me font totalement oublier le but premier de ma présence et justifient les nombreux aménagements de matelas, matériels et matériaux soigneusement organisés dans ce si vaste endroit, le ton est donné. Je trouve par terre différents documents, certains sont des avis d’expulsion datés d’il y a un an. Dans les entrailles les plus reculées, la poussière y est devenue suffocante, nous en sommes couverts, le froid y est mordant. Coup de stress, je devine dans la pénombre une silhouette humaine au sol dans une position improbable. Lumière : il s’agit bêtement d’une énorme peluche en forme de chimpanzé. Certaines pièces sont noircies par le feu, provoqué pour y bruler des cables afin d’y récupérer le précieux cuivre. Toujours halluciné par le spot, j’avoue que l’inquiétude me gagne peu à peu, je ne suis plus tout à fait à l’aise et me surprend à être soulagé de remonter dans les étages. Nous allons commencer la fresque, qui à présent semble plutôt anecdotique après ce parcours.
Entre temps Siao, le quatrième larron retardataire, arrive. Si Sowat et Lek nous ont conviés en ce lieu saint, c’est pour y réaliser tout les quatre une fresque mixte, en se servant au maximum des particularités du lieu. D’autres graffers se sont pretés à l’exercice et pour la plupart avec succès. Quelques vannes et préconisations plus tard nous nous mettons à l’oeuvre, chacun y développe son style pour mieux le mélanger à l’autre. Au passage une consigne plutot inhabituelle au sein du milieu graffiti : pas de tags ou de flops incongrus, pas de « profanations » en quelques sortes. Les peintures se réalisent de façon plutôt classique, malgré le froid qui nous paralyse nous finissons assez rapidement. Le résultat est surprenant, plutôt hardcore mais ça fonctionne. Je suis revenu quelques mois plus tard, en avril la température est plus clémente, pour une seconde peinture cette fois-ci réalisée seule.
Trouvé en avril 2010, Lek et Sowat fréquenteront ainsi le lieu assidument et inviteront de cette même manière et intention une bonne quarantaine de graffers et autres photographes pendant une année et demi, transformant ce supermarché, puis squatt en une résidence artistique sauvage, un bastion de la culture graffiti, à grand coup de fresques, installations, peintures au sols, etc…. Malgré les doutes et la difficulté de gestion du lieu, les deux compères réussiront à extraire de ce projet fou et sans fin, un livre photographique et une vidéo images par images, afin de retrasncrire à un public averti ou non, l’expérience dans sa globalité. MAUSOLEE, c’est ainsi que se résume l’aventure, ils se plaisent à définir le lieu comme étant « un temple dédié à la culture underground en passe de disparaitre à l’ère du street art et de l’esthétique pop mondialisée… » et ils n’ont probablement pas tout à fait tort.
Pour ce rendre compte de l’ampleur de la chose, rendez-vous le 12 avril 2012 à partir de 18h, dans un appartement témoin du sud de la capitale, à l’exposition Mausolée : Lek et Sowat vous convient à une première projection publique de la vidéo et au lancement du livre. Im-man-qua-ble !!!!!!!!!
www.mausolee.net
Ouverture les vendredi 13 et samedi 14 avril de 15h à 20h.
11, rue Marie-Andréa Lagroua-Weil-Halle, Paris 13ème
Métro et RER Bibliothèque François Mitterrand.
mausolée@hotmail.com