Source: Metro France
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Pendant des mois, les artistes Sowat et Lek ont pris possession d’un supermarché vide au nord de Paris. Ils y ont créé une résidence artistique, conviant leurs pairs à s’y exprimer. Une expérience insolite et inédite à découvrir à travers une exposition, un livre et un film.
Dénicher des milliers de m2 de murs vierges à peindre est sans doute le rêve de tout graffeur. En août 2010, Lek, 39 ans, les a trouvés un peu par hasard, dans le nord de Paris, non loin du XIXe arrondissement où il a grandi. Après être passé plusieurs fois devant ce site gigantesque d’Aubervilliers qui abritait jadis un Intermarché puis un supermarché Casino, le graffeur décide finalement de garer sa voiture devant et d’y pénétrer par un des derniers accès caché situé boulevard de la Commanderie.
“Traces de vie”
A l’intérieur, l’artiste, fou de graffiti depuis l’adolescence, découvre un bâtiment immense dans lequel restent des effets personnels de nomades partis sans aucun dans la précipitation. “Il y avait des tasses encore remplies de café, des vêtements, des layettes de bébés, des cartables ou encore des matelas”, se souvient Sowat, son comparse de 33 ans qui a découvert les lieux peu de temps après. Les deux graffeurs réalisent que des dizaines de personnes, qui avaient élu domicile ici à défaut d’avoir un toit, ont été expulsées par les forces de l’ordre. “Au début, nous n’avons vu que les murs. Puis, ces traces de vie, raconte Sowat. Il y avait d’une part une espèce d’excitation et d’autre part une sorte de honte car on se doutait bien que ce qu’il s’était passé à l’intérieur du site était forcément violent“.
Un rendez-vous quotidien
S’interrogeant sur ce qu’ils pouvaient faire de cet espace fantôme, les deux artistes sont venus de plus en plus souvent sur place. La récurrence de leurs visites leur a donné l’envie d’investir les lieux et de les faire revivre. “On s’est mis à peindre tous les deux sur les murs, tout en prenant des photos et en filmant. Puis, en voyant qu’il n’y avait pas de passage, pas de contrôle, on s’est mis à inviter des amis graffeurs, photographes… C’est comme ça que l’ancien supermarché, que nous avons appelé par la suite Mausolée*, est devenu unerésidence sauvage pour les artistes français”. C’est alors que grandes compositions abstraites remplissent petit à petit l’espace du sol au plafond.
Peur de se faire prendre
De nuit comme de jour, croisant des ferrailleurs, redoutant lapolice, les artistes se relaient dans ce lieu surprenant tant par sa taille que par son architecture. “Il fallait que cette aventure reste un secret bien gardé. Aucune photo prise à l’intérieur ne devait être publiée et pour tout le monde, la consigne était stricte : pas un mot sur tout cela” se souviennent Lek et Sowat.
Immortaliser les scènes
Si au départ ni l’un ni l’autre n’avaient pensé rendre cette expérience éternelle, le choix s’est finalement imposé de lui même. “Il y avait les photos bien sûr et les images vidéos de nos graff, mais aussi toutes ces petites choses comme des diplômes, sacs à mains et autres objets personnels ayant appartenu à des gens et qui ont été abandonnés, raconte Sowat. En voyant tout cela, nous avons eu l’idée du livre*, de l’exposition** et du film***”. Le film comme le livre seront pérennes, l’exposition ne durera elle que trois jours, les 13, 14 et 15 avril 2012. Les trois ont un objectif commun : faire que ces artistes existent aux yeux du grand public. “En France, le seul graffiti dont on parle, c’est le graffiti new-yorkais des années 80. Ce Mausolée était pour nous l’occasion de montrer qu’il y avait autre chose, dont pléthore de talents dans l’hexagone” explique Sowat.
Obtenir la reconnaissance
Car jamais Lek ou Sowat ne se sont reconnus dans les évènements récents organisés au Grand Palais, chez Artcurialou à la Fondation Cartier. “Je trouve ça triste que nous ayons réalisé ce travail artistique dans un supermarché abandonné, aujourd’hui muré, et qui finir par être détruit, déplore Sowat. Je pense intimementque ce travail, réalisé avec une quarantaine d’artistes français qui méritent à être connus et reconnus, aurait dû être fait au Palais de Tokyo ou au Centre Georges Pompidou. C’est là notre place !”. A bon entendeur.
*Nom donné à l’ouvrage qui sort aujourd’hui : Mausolée, résidence artistiques sauvage, éditions Alternatives, 260 pages environ, 39 euros.
**Exposition “Sauvage” (photos, ordures, documents et matelas extraits du Mausolée les 13, 14 et 15 avril 2012 de 15 heures à 20 heures au 11, rue Marie-Andrée Lagroua-Weill-Hallé, XIIIe arrondissement. Vernissage le 12 avril.
***Film stop motion de 8000 images à découvrir dès le vendredi 13 avril sur le site mausolee.net